Espérons que cet accord sera effectif dans l’intérêt de la démocratie et la paix sociale dans notre pays. Mais ma perception est que la junte veut jouer un gros coup pour gagner du temps, éviter momentanément les sanctions, et bénéficier du soutien éventuel de l’opinion publique nationale et internationale.
En fait, à mon avis, voici les grandes lignes du jeu stratégique en cours :
Obtenir un accord avec la CEDEAO portant sur le délai sur la base d’une expertise technique de celle-ci. En si peu de temps, il est même raisonnable d’émettre des doutes sur l’évaluation profonde qui a été faite.
Ensuite, torpiller le processus par des manœuvres dilatoires pour prouver que le délai obtenu dans l’accord n’était pas realiste. La junte pourra ainsi engager la responsabilité de la CEDEAO sur un éventuel rallongement de la transition. Pour la simple raison qu’elle pourra dire que la CEDEAO lui a « tordu le bras » avec la compression de l’exécution de son chronogramme initial.
Avec cet accord entre deux parties, la junte cherchera à isoler la classe politique et les organisations de la société civile qui ne sont pas à sa dévotion. Ceci pour éviter de discuter du sort des prisonniers et exilés politiques, de l’interdiction illégale de l’exercice des libertés collectives, et toutes les autres formes de violence, restrictions et menaces sur les droits des citoyens. Ainsi le bras de fer risque de continuer et la junte trouvera un bouc émissaire pour cacher ses propres manœuvres.
Que fallait-il faire pour l’intérêt de la Guinée et la CEDEAO :
Faire renoncer au CNRD à son chronogramme unilatéral des 10 points dont principalement le Recensement Général de la Population et de l’Habitat (RGPH) et le Recensement à Vocation d’État Civil (RAVEC).
Ces deux opérations n’ont été choisies que pour alourdir les tâches et ambitions de la transition afin de justifier le temps nécessaire à leur mise en œuvre. Sinon il a été suffisamment démontré que pour un fichier électoral crédible, elles n’étaient ni indispensables ni conforment aux exigences standards en la matière.
Exiger des autorités de transition la tenue d’un dialogue inclusif qui allait accoucher d’un chronogramme réaliste et consensuel. Ceci pour adopter des opérations nécessaires et réalisables pour un retour à l’ordre constitutionnel dans la durée convenue, et avec de meilleures garanties d’applicabilité.
Prudence et réalisme sont les sentiments qui m’animent. Espérons que le temps ne me donnera pas raison.
Aliou BAH
Président du Model