Soixante-six ans. Soixante-six longues années se sont écoulées depuis cette journée historique où la Guinée, par une décision audacieuse et inédite, a dit NON au joug colonial. Ce jour-là, tu as relevé la tête, défié l’empire et pris ton destin en main. Cet acte de courage est gravé dans tes annales comme une lueur d’espoir, un souffle de liberté qui a fait de toi une pionnière en Afrique.
Mais aujourd’hui, à quoi cela t’a-t-il mené ?
Si hier ton malheur était dû à la domination d’un maître étranger, aujourd’hui ce sont tes propres enfants qui te dirigent. Pourtant, malgré leurs promesses, leurs discours pleins d’enthousiasme, ils n’ont pas réussi à transformer ce rêve de liberté en un avenir prospère pour ton peuple. De Sékou Touré à Mamadi Doumbouya, tu sembles stagner, refusant obstinément d’avancer sur le chemin du développement, malgré les sacrifices consentis par tes fils et tes filles.
Où est donc passée ta fierté ?Tu es restée fidèle à ton courage, mais qu’as-tu fait de cette victoire historique ? Qu’as-tu fait de cette liberté acquise au prix fort ? Soixante-six ans après l’indépendance, où sont les fruits de cette émancipation tant rêvée ?
Ton peuple, animé par l’espoir d’un avenir meilleur, se retrouve piégé dans un cycle de souffrance et de désillusion. Les promesses de développement sont restées des paroles creuses, et l’enthousiasme de la liberté s’est transformé en amertume.Aujourd’hui, tes richesses, abondantes et variées, sont exploitées par d’autres, tandis que ton peuple, assoiffé, n’a même pas accès à de l’eau potable. Le sol de Simandou, cette terre pleine de promesses, est aujourd’hui en phase d’exploitation, mais les bénéfices échappent à ceux qui en ont le plus besoin. Ceux qui osent demander des comptes, ceux qui élèvent la voix pour que tu sois la Guinée dont ils rêvent, sont réprimés, emprisonnés ou pire, leurs vies arrachées.
Où va cette Guinée qui fut autrefois un modèle de courage et de détermination ?
Tes enfants se déchirent, pris au piège de jeux politiques où la vie humaine ne semble plus avoir de valeur. Les responsables que tu as vus naître, que tu as nourris et élevés, sacrifient tes fils et tes filles pour se maintenir au pouvoir, piétinant les valeurs que tu as chéries. Ils gouvernent par la peur, réduisent au silence ceux qui osent espérer une autre Guinée, une Guinée où règnent la paix et la justice.
Où vas-tu, ma Guinée ?
Les nations qui t’entourent avancent, se développent, pendant que toi, tu restes enlisée dans tes conflits internes. Ces mêmes pays qui hier te regardaient avec admiration se moquent aujourd’hui de ton retard. Ils avancent pendant que tu t’égares, prisonnière de tes luttes intestines. Et pourtant, tu possèdes tout. Tu es riche de ton sol, de ton sous-sol, de ta jeunesse pleine de vitalité, mais jusqu’là tu manques de dirigeants à la hauteur de ton histoire.Chaque jour, tes bras se vident de tes forces vives, tes enfants fuient vers d’autres terres, désespérés par la misère qui t’étreint. L’avenir semble de plus en plus incertain, et la peur de voir ton destin sombrer dans l’obscurité devient une réalité oppressante. Comment en es-tu arrivée là ? Qu’as-tu fait pour mériter un tel sort ?
Ma Guinée, où vas-tu ?
Il est temps de t’arrêter, de prendre un instant pour réfléchir à ton avenir. Tes enfants ont besoin de toi, ils ont besoin de vivre en paix, de prospérer sous la bienveillance de responsables dignes de toi. Ils méritent des dirigeants qui ne les trahiront pas pour de vains intérêts politiques, des leaders capables d’honorer les sacrifices de ceux qui ont donné leur vie pour que tu sois libre. Il se dit aussi que chaque peuple mérite ses dirigeants, mais je doute que tu mérites ceux-ci. Non, tu vaux mieux que cela, tu mérites d’être gouvernée par ceux qui t’aiment, ceux qui t’honorent et pensent à ton futur. Ne penses-tu pas ?
Tu as bâti un peuple fort, uni à travers le sang et les valeurs que tu as transmises. Il est temps de rappeler ces valeurs à l’ordre, de réaffirmer ton héritage et de remettre à leur place ceux qui trahissent ton esprit. Le monde ne doit pas oublier le courage dont tu as fait preuve. Il est encore temps, ma belle Guinée, de sauver ton avenir. Mais le temps presse. Car à force d’hésiter, tu risques de sombrer dans l’abîme.
Ma Guinée, où vas-tu ?
Si tu continues ainsi, la peur de te voir chuter devient chaque jour plus palpable. Pourtant, tu n’es pas encore perdue. Tu as toujours en toi cette force, cette résilience qui t’a permis de résister, de dire NON à l’oppression. Il est temps de retrouver cet esprit, de rappeler à tes enfants que tu mérites mieux, que tu peux être cette Guinée forte, libre et prospère, celle que tes fondateurs ont rêvée il y’a 66ans.
Guinée, arrête-toi, réfléchis, et trace un nouveau chemin.
Mamadou Dian DIALLO, Journaliste