Dans la ville de Kankan, le festival annuel du Milo se tient ร grand renfort de fanfares et de festivitรฉs. Pourtant, derriรจre lโapparence de cรฉlรฉbration, une question brรปle les lรจvres de nombreux habitants et observateurs : que reste-t-il de lโessence mรชme de ce festival, censรฉ rendre hommage au fleuve Milo ?
Ce cours dโeau vital est aujourdโhui menacรฉ par une pollution croissante et une dรฉgradation alarmante. Plutรดt que de se concentrer sur les efforts nรฉcessaires ร sa prรฉservation, il semble quโon ait choisi de noyer ces prรฉoccupations dans une dรฉferlante de divertissements, masquant les vรฉritables enjeux environnementaux sous un vernis festif.
Le fleuve Milo, longtemps source de vie et de prospรฉritรฉ pour les populations locales, fait aujourdโhui face ร une pollution insidieuse, mettant en pรฉril la santรฉ des riverains et la biodiversitรฉ environnante. Cependant, cet aspect crucial de lโรฉvรฉnement a รฉtรฉ รฉclipsรฉ au profit de spectacles et dโactivitรฉs aux accents purement rรฉcrรฉatifs.
Cette approche, qui se veut populaire et attrayante, renvoie un message dรฉsolant : la culture prime t-elle ร ce point sur lโรฉcologie que lโon en oublie les souffrances dโun patrimoine naturel essentiel ร la rรฉgion ?Lโancien ministre de lโรducation nationale, Guillaume Hawing, qui plaide pour la dimension artistique du festival, avance que celui-ci s’inscrit dans une dรฉmarche visant ร soutenir le projet Simandou, un gigantesque projet minier. On pourrait sโinterroger : quel est le lien vรฉritable entre cette ยซ dรฉmarche artistique ยป et la protection du fleuve Milo ?
Lโart au service du Simandou, certes, mais au prix dโun dรฉni total de l’urgence รฉcologique ?
Un tel discours soulรจve dโimportantes questions รฉthiques sur les prioritรฉs du gouvernement et des organisateurs, qui semblent รชtre davantage tournรฉs vers le profit รฉconomique que vers la prรฉservation d’un รฉcosystรจme en danger.
Un agenda occulte dรฉtournant lโattention des enjeux Rรฉels
L’argument avancรฉ autour de la soi-disant ยซ dimension artistique ยป est pour le moins douteux. Certains y voient une tentative dโorienter lโopinion publique vers l’acceptation de projets miniers controversรฉs, au mรฉpris de lโenvironnement. Le Simandou, symbole d’une exploitation miniรจre colossale, est-il devenu la cause principale de ce festival, รฉclipsant la nรฉcessitรฉ de restaurer et prรฉserver un fleuve en agonie ?
Pour beaucoup, cette instrumentalisation du festival traduit un double discours organisationnel, qui prรดne dโun cรดtรฉ la valorisation culturelle, et de lโautre, lโoubli des vรฉritables enjeux environnementaux. La Colรจre des ressortissants du Nabaya et la Conscience รฉcologique mise ร malLes natifs, dont la vie quotidienne dรฉpend de la puretรฉ de lโeau du Milo, expriment de plus en plus leur indignation.
Ils ne voient dans ces festivitรฉs quโune mascarade, destinรฉe ร occulter les rรฉalitรฉs dโun fleuve en perdition. Alors que les commanditaires persistent dans cette dรฉmarche contestable, la population observe avec consternation les dรฉfilรฉs et les rรฉjouissances qui nโapportent aucune solution concrรจte.
Que vaut une cรฉlรฉbration sans conscience รฉcologique ?
De la culture ร la dรฉroute รฉcologique : quand le Festival perd son essence. Au lieu d’un รฉvรฉnement commรฉmoratif ร la hauteur des dรฉfis environnementaux, le festival du Milo sโรฉloigne de sa mission originelle et se transforme en un outil de propagande รฉconomique.
Ce festival aurait pu รชtre une plateforme pour รฉveiller les consciences, sensibiliser sur l’urgence de sauver le fleuve et engager des actions concrรจtes. Pourtant, il nโen est rien, et la mรฉmoire dโun patrimoine naturel est sacrifiรฉe sur lโautel dโun divertissement sans consรฉquence.Le festival du Milo est devenu une scรจne de dissonances, oรน la musique couvre les cris dโun fleuve en dรฉtresse et oรน la soif de croissance รฉconomique se conjugue avec lโindiffรฉrence รฉcologique.
Il est temps de redonner au Milo la place quโil mรฉrite, loin des justifications artistiques creuses et des intรฉrรชts financiers. Sauver le Milo n’est pas une option, c’est un devoir pour les gรฉnรฉrations futures, une urgence que le folklore festif ne doit jamais masquer.
Ibrahima Sory KEรTA pour Guineesouverain.com