Depuis un certain temps, des vidéos où on torture des présumés voleurs inondent les réseaux sociaux en République de Guinée. Face à cette situation, les commentaires vont bon train. Fantamady Camara, juriste, revient sur ce fait.
Ci-dessous, son écrit sur la question !
Je ne suis pas en train de défendre les voleurs, mais je lutte contre la justice populaire et encourage la justice publique à appliquer strictement la loi.Aujourd’hui, on observe une profonde inquiétude et un réel sentiment d’urgence.
En Guinée actuellement, dans nos villes généralement, comme dans nos villages, une pratique brutale et alarmante persiste, c’est la justice populaire, un réelle menace. Trop souvent, des individus soupçonnés de vol ou ayant volé proprement ou ayant fait d’autres délits, sont arrêtés, battus, humiliés, parfois même tués par la foule en colère.
Ces scènes, que nous voyons dans nos quartiers, sur nos marchés, et qui circulent sur les réseaux sociaux, sont devenues une réalité troublante. Mais posons-nous une question essentielle : et si ces personnes étaient innocentes ?
Donc là, nous allons alors parler de Pourquoi la justice populaire est-elle une menace pour nous tous ? (A), et en suite, on parlera de ce que nous devons faire en tant que bons citoyens (B).
Avant de répondre à ces questions, nous devons savoir que nous vivons dans un État de droit, et pourtant, nous oublions trop souvent un principe fondamental qui est universellement protégé et défendu: la présomption d’innocence.
Ce principe dit que toute personne est innocente jusqu’à preuve du contraire, et seule une justice impartiale peut établir la culpabilité de quelqu’un. Lorsqu’une foule en colère décide de punir elle-même un individu, elle prend le risque de commettre une erreur irréversible. Répondons alors à nos questions.
A- Pourquoi la justice populaire est-elle une menace pour nous tous ?
D’abord, parce que l’erreur est humaine. Nombre de victimes de ces violences ont touché le sommet. Qui peut garantir que celui qu’on frappe aujourd’hui est réellement coupable et ne peut jamais changer? Dans l’urgence et la colère, personne ne prend le temps d’examiner les faits, et parfois, c’est un innocent qui subit l’irréparable. Je suis loin d’être en train de défendre ces malfaiteurs.
Loin s’en faut ! Mais, sachons qu’ils ont un droit à respecter, un droit défendu à l’échelle internationale. Mon plan est de lutter contre la justice populaire, et non d’encourager le vol. La justice populaire ne combat pas l’insécurité, elle l’aggrave.
Lorsqu’une foule décide de se faire justice elle-même, elle défie l’autorité de l’État, crée un climat de peur et encourage la loi du plus fort. Si nous justifions la violence contre les voleurs, qu’est-ce qui empêchera demain quelqu’un d’accuser un voisin par simple rancune et de le faire lyncher ?
Donc, cette pratique est illégale et moralement inacceptable, juridiquement condamnable, et religieusement, elle est indéfendable. Personne n’a le droit de se substituer aux juges et aux forces de l’ordre.
Laisserons-nous nos rues devenir des tribunaux sauvages où chacun décide du sort de l’autre ? Si nous justifions la violence aujourd’hui, nous pourrions en être les victimes demain.
B- Que devons-nous faire ?Chers frères et sœurs, notre devoir en tant que citoyens responsables est d’agir avec sagesse. Si un crime est commis, la bonne réaction n’est pas la violence, mais la justice. Lorsqu’un vol ou une agression se produit, remettons les suspects aux autorités compétentes, déposons des plaintes, exigeons que les lois soient appliquées, mais refusons d’être complices d’un acte de violence.Nous devons aussi éduquer nos communautés sur ces principes.
Nos enfants doivent grandir dans une société où l’on respecte la loi et non dans un monde où la vengeance dicte sa loi. Car demain, celui qui est injustement battu pourrait être votre frère, votre fils, votre père.Ensemble, défendons la justice !Il est temps de dire non à la justice populaire ! Non aux violences arbitraires !
Non à l’impunité de ceux qui se font bourreaux au nom de la colère !Nous avons une justice, exigeons qu’elle fasse son travail.
Protégeons la présomption d’innocence, car c’est elle qui nous protège tous. Refusons la loi de la rue et défendons la dignité humaine.Ensemble, faisons de la Guinée un pays où la justice règne et où la violence recule.
Fanta Mady CAMARA, Juriste
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