Le projet Simandou, souvent présenté comme un eldorado économique, alimente les espoirs et suscite des interrogations légitimes en Guinée.
Dans ce pays où l’extrême richesse minérale coexiste avec une pauvreté généralisée, le développement de ce gigantesque gisement de fer est vu par certains comme une réponse aux défis économiques. Pourtant, Simandou, malgré son potentiel, s’apparente davantage à une solution partielle, voire illusoire, si des réformes profondes et inclusives ne sont pas mises en œuvre.Simandou, avec ses réserves parmi les plus riches au monde, représente un trésor stratégique pour les investisseurs. En effet, les accords signés avec des consortiums internationaux promettent de générer des milliards de dollars en revenus. Ces ressources pourraient, en théorie, transformer le paysage économique guinéen : amélioration des infrastructures, création d’emplois, et augmentation des recettes publiques.
Cependant, l’histoire récente des ressources naturelles en Guinée invite à une prudence certaine. Les projets miniers précédents, bien que prometteurs sur le papier, n’ont souvent pas apporté les retombées socio-économiques escomptées. La malédiction des ressources naturelles, combinée à une gouvernance souvent opaque, a contribué à maintenir les disparités sociales et les frustrations communautaires.Il pourrait bien répéter ce schéma si la gestion des ressources reste inchangée.
Le principal défi demeure la gouvernance : comment s’assurer que les bénéfices de ce projet ne se concentrent pas entre les mains d’une élite politique et économique ? La Guinée doit-elle impérativement réinventer ses mécanismes de gestion des revenus miniers en renforçant la transparence et en investissant directement dans des secteurs clés comme l’éducation, la santé et l’agriculture?De plus, la redistribution des richesses est une problématique criante.
Les communautés locales vivant autour de Simandou ont souvent exprimé leurs inquiétudes face à l’exploitation minière. Loin de bénéficier des projets, elles sont souvent les premières victimes des dégradations environnementales, des déplacements parfois forcés et de la perte de leurs moyens de subsistance. Simandou ne peut être une solution viable que si ces populations sont véritablement intégrées au processus de développement.
Pour qu’il devienne un pont vers un avenir meilleur, Il est crucial de diversifier l’économie en utilisant les revenus miniers comme levier pour d’autres secteurs. La dépendance excessive à l’exploitation des matières premières est un piège qui a déjà englouti de nombreux pays riches en ressources.
En parallèle, les mécanismes de contrôle citoyen doivent permettre la surveillance de l’utilisation des fonds issus de Simandou. Sans cela, ce projet risque de ne devenir qu’un autre exemple de promesses non tenues.Contrairement à la pensée commune, simandou ne sauvera pas la Guinée à lui seul.
Bien qu’il constitue une opportunité indéniable, il reste une infirme solution face à l’ampleur des maux structurels du pays : corruption endémique, faible industrialisation, et tensions sociales récurrentes.Le défi pour la Guinée est donc clair : faire de Simandou un modèle de gestion minière inclusive et durable, tout en s’attaquant aux causes profondes de ses fragilités. À défaut, ce projet, si ambitieux soit-il, ne sera qu’un mirage de plus dans l’histoire d’un pays en quête de développement.
Ce projet incarne l’espoir d’une transformation économique, mais il exige une approche stratégique et inclusive. Si les autorités guinéennes ne prennent pas la mesure des enjeux, ce trésor pourrait bien devenir une nouvelle pierre d’achoppement. La Guinée ne peut se permettre de transformer une telle opportunité en désillusion.
Ibrahima Sory keita, auditeur en Master Droit minier à l’Université Koffi Annan de Guinée
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