Les Tchadiens ont approuvé avec 86 % des voix le projet de nouvelle Constitution soumis par la junte militaire au pouvoir depuis deux ans et demi, à l’issue d’un référendum que l’opposition avait appelé à boycotter et dont elle conteste les résultats.
D’après les résultats provisoires du référendum du 17 décembre, le « oui » l’a emporté avec 86 % des voix tandis que le « non » a obtenu 14 % des suffrages avec un taux de participation à 63,75 %, a indiqué dimanche la Commission nationale chargée de l’organisation du référendum constitutionnel (Conorec).
Ce référendum constitue une étape-clé vers le retour au pouvoir aux civils promis par la junte militaire et finalement repoussé à fin 2024.
La Conorec s’est félicitée de la bonne tenue du vote ne relevant que des « dysfonctionnement mineurs ».
La nouvelle Constitution qui prône « un État unitaire et décentralisé » ne diffère pas de celle précédemment adoptée, le chef de l’État concentrant toujours l’essentiel du pouvoir et l’autorise à se présenter aux prochaines élections.
« Les Tchadiens ont voté pour l’État unitaire fortement décentralisé à 86%. Cependant, il faudrait aussi écouter les 14 % des Tchadiens qui ont voté non à travers le message qu’ils veulent porter », a relevé le porte-parole de la coalition pour le oui.
L’opposition, qui avait appelé à boycotter le scrutin, a aussitôt contesté les résultats.
« Ils ont transformé les résultats, montés depuis longtemps pour les rendre publics aujourd’hui. C’est une honte pour le pays » dénonce auprès de l’AFP Yoyana Banyara, président du Bloc Fédéral qui a appelé à voter non au scrutin. Cette frange de l’opposition prône le fédéralisme.
Pour Max Kemkoye, le président du Groupe de concertation des acteurs politiques (GCAP) qui appelait au boycott, « le taux de participation serait moins (élevé, ndlr) que ce que la Conorec a annoncé. Tout le monde a vu le jour du vote que le boycott a été respecté. »
Jacques Anacle, un fonctionnaire à la retraite , estime lui aussi que « c’est un résultat tronqué, car tout le monde a constaté le boycott et le manque d’engouement le jour du scrutin », déclare t-il à l’AFP, évoquant un faux résultat qui est loin de la réalité
Mahamat Issa, un professeur de français au lycée rencontré par l’AFP à N’Djamena dit, lui, espérer que « des réponses aux préoccupations (…) pour le bénéfice de l’ensemble des Tchadiens » seront apportées.
Opposition empêchée
Pour une partie de l’opposition et de la société civile, ce scrutin s’apparente à un plébiscite destiné à préparer l’élection du président de transition, le général Mahamat Idriss Déby Itno.
À 37 ans, il avait été proclamé par l’armée le 20 avril 2021 président de transition à la tête d’une junte de 15 généraux, à la mort de son père Idriss Déby Itno, tué par des rebelles en se rendant au front.
L’ex-chef de l’Etat dirigeait d’une main de fer depuis plus de 30 ans cet État d’Afrique centrale, deuxième pays le moins développé au monde selon l’ONU. De quoi faire craindre la perpétuation d’une « dynastie » Déby par l’opposition et les ONG internationales.
Le 20 octobre 2022, 100 à 300 jeunes manifestants avaient été tués par balle à N’Djamena par les policiers et militaires, selon l’opposition et des ONG nationales et internationales.
Ils manifestaient pacifiquement contre la prolongation de deux ans de la transition. Plus d’un millier ont été emprisonnés avant d’être graciés, et d’autres restent portés disparus selon ONG et opposition.
Depuis ce « jeudi noir » de 2022, toute manifestation hostile au pouvoir est systématiquement interdite, à l’exception récente de celle de l’un des principaux opposants, Succès Masra, revenu d’exil après avoir signé un « accord de réconciliation » avec Mahamat Déby.
Les résultats définitifs proclamés par la Cour Suprême sont attendus le 28 décembre.