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L’État contribue à la commission de plusieurs infractions car les citoyens ne sont pas suffisamment informés de la loi ( Fanta Mady Camara)

L’État se doit d’informer la population des lois en vigueur. En contrepartie, les citoyens sont tenus de les respecter. Tel est le bon processus.Moi, après une longue observation des réalités, j’ai compris que la compréhension de la loi constitue un véritable problème en République de Guinée. Cette situation mérite une grosse analyse car elle affecte profondément le fonctionnement de notre société et la vie quotidienne des citoyens.

Les infractions sont commises en grand nombre tout au long de la journée, non pas parce que les gens prennent plaisir à enfreindre la loi, mais plutôt parce qu’ils ne saisissent pas pleinement la nature des actes qu’ils commettent. Cette réalité est généralement fréquente dans les zones rurales, les quartiers périphériques et les villages reculés des grandes villes comme Siguiri, Mandiana, kouroussa, kankan, Faranah et autres, où l’accès à l’information juridique est très limité.

Les citoyens se retrouvent souvent dans des situations où ils transgressent la loi sans même en avoir conscience, que ce soit dans leurs activités commerciales, leurs relations sociales ou leurs interactions avec l’administration. J’en ai vu assez d’exemples concrets; j’ai assisté à des audiences criminelles et delictuelles, à l’occasion desquelles les auteurs étaient poursuivis pour des faits qu’ils ignorent.L’ampleur de ce problème découle essentiellement de plusieurs sources majeures qui méritent d’être examinées en détail.

L’analphabétisme occupe une place prépondérante en matière d’incompréhension de la loi en Guinée. Ce fléau touche particulièrement les zones rurales et affecte de manière disproportionnée les femmes et les personnes âgées. En effet, nous sommes dans un pays où une grande partie de la population ne sait ni lire ni écrire, rendant les lois, qui sont rédigées en français, totalement inaccessibles et incompréhensibles pour ces citoyens. Cette situation crée une véritable fracture sociale et juridique, où certains citoyens se retrouvent exclus du système légal simplement parce qu’ils ne peuvent pas accéder à sa compréhension.

La question cruciale qui se pose alors est : Comment ces personnes peuvent-elles respecter des lois qu’elles ne comprennent pas ? Cette interrogation fondamentale soulève des enjeux de justice sociale et d’équité qui ne peuvent être ignorés. Il ne s’agit pas simplement d’un problème d’éducation, mais d’un véritable défi démocratique qui menace les fondements même de notre État de droit.Ce fléau d’analphabétisme crée une séparation profonde entre la loi et la population, particulièrement visible à l’intérieur du pays.

Dans des régions comme Siguiri, Kankan, Mandiana, Mamou, et Kouroussa, cette fracture est encore plus marquée. Les populations locales, souvent isolées des centres administratifs et judiciaires, se retrouvent dans un vide juridique de fait, non par choix mais par impossibilité d’accéder à la compréhension des lois qui régissent leur vie quotidienne. En l’absence de mesures adaptées par l’État ou de traductions des lois dans les langues locales, cette situation conduit inévitablement à des violations involontaires des lois, créant un cercle vicieux d’infractions et d’incompréhension.

L’accessibilité du Droit constitue un autre souci majeur qui vient aggraver la situation. Même pour les citoyens alphabétisés, le langage juridique souvent complexe et technique reste un obstacle majeur à la compréhension des textes de loi. L’État a la responsabilité fondamentale de mettre en place des mécanismes efficaces de vulgarisation du droit dans les langues nationales. Cette démarche ne doit pas être perçue comme un simple exercice de traduction, mais comme une véritable politique d’inclusion juridique.

La solution passe par une approche inclusive et multiculturelle : expliquer la loi en Soussou pour les Soussous, en Poular pour les Peuls, en Malinké pour les Malinkés, en Guerzé pour les Guerzés… Cette adaptation linguistique n’est pas un luxe mais une nécessité démocratique. Elle permettrait non seulement une meilleure compréhension des droits et devoirs de chacun, mais favoriserait également une participation plus active des citoyens à la vie juridique et démocratique du pays.

L’État doit agir pour améliorer les choses. Il peut par exemple :

– Expliquer les lois dans nos langues locales- Former des personnes dans chaque village pour aider à comprendre les lois;

– Parler des lois à la radio et faire du théâtre pour les expliquer- Faire des dessins et des enregistrements qui expliquent les lois simplement. Tous les Guinéens, et pas seulement les gens instruits, doivent pouvoir comprendre les lois. Quand chacun comprend bien ses droits et ses devoirs, notre pays devient plus juste pour tout le monde.

Le droit, c’est la vie

Par Fanta Mady CAMARA

Juriste, Auditeur de Master et promoteur de l’accès au droit et langues nationales

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