Monsieur le Président,
Recevez mes vives félicitations suite à votre désignation comme Président du Tribunal criminel en charge de juger le dossier des massacres du 28 septembre 2009.
Ce mercredi 28 septembre 2022 marque le jour de l’ouverture du procès le plus attendu de l’histoire sociopolitique de notre pays.
Avant la tenue de ce procès, la Guinée en a connu d’autres. Cependant, celui-ci se révèle hors norme à tout point de vue, notamment par le nombre de victimes, la qualité des accusés, l’implication de la communauté internationale, le timing écoulé depuis les évènements…
Le monde entier a donc les yeux rivés sur Conakry. Notre justice est observée, donc à l’épreuve !
Monsieur le Président, c’est un procès dont les faits remontent d’il y a plus de dix ans. Je présume qu’à l’époque, si vous n’étiez pas sur les bancs de l’école, vous étiez encore à l’aube de votre carrière professionnelle. Vous ne saviez donc pas, qu’un jour, cette lourde responsabilité historique de conduire cette noble mission que Dieu et les hommes vous ont investi vous reviendrait.
Si on peut estimer que vous n’êtes pas connu du grand public, sachez alors que Dieu vous offre une occasion en or de vous révéler à l’humanité et à choisir comment vous comptez vous inscrire dans le marbre de l’histoire.
Ayez donc constamment à l’esprit, et cela durant tout le procès, que vous avez en face des êtres humains qui aspirent au bonheur, à la paix et à vivre en famille au milieu des leurs, comme tout être humain. Des êtres humains qui, cependant, par le fait du hasard et/ou de leurs actes se sont retrouvés dans ce sale pétrin qu’aucun être humain ne se souhaiterait durant son existence.
Suite aux massacres, il y en a qui ont perdu les leurs sans avoir eu la possibilité de les inhumer dignement et qui ont donc passé 13 ans de leur vie à attendre qu’on leur dise qui les a tués, pourquoi et où sont les corps.
Vous avez également des citoyens qui sont handicapés à vie et d’autres qui ont été victimes de viols et qui se sont sentis humiliés, diminués dans leurs chairs et qui comptent sur vous pour être rétablis dans leur être.
Vous avez enfin d’autres qui ont passé plus d’une décennie de leur vie en prison, privés de liberté, soupçonnés d’avoir une responsabilité dans cette affaire, alors qu’ils clament leur innocence. Ils méritent aussi une justice équitable.
Vous avez donc le sort de dizaines de nos compatriotes, mais aussi le poids de l’histoire entre vos mains. Votre verdict délivrera des centaines de familles d’une longue attente de justice, pour pouvoir enfin faire le deuil des leurs.
Votre verdict pourrait également conduire certains prévenus à la peine la plus sévère.
Vous n’aurez donc la conscience tranquille, ici-bas et dans l’au-delà, que lorsqu’à l’issue de ce procès, seul avec votre conscience, loin des caméras, des palais et des bruits des filles et fils d’Adam, que vous serez en mesure de vous dire que : même s’il y a des innocents qui sont allés en prison et des coupables libérés, cela n’est imputable qu’au seul fait que l’homme est faillible.
Et non par le fait d’une quelconque influence extérieure due à des implications politiques, économiques ou tout autre moyen de tentation qui vous détournerait du droit et qui ne vous créerait que des ennuis qui vous hanteront le restant de votre vie.
Que Dieu vous en Préserve.
J’imagine votre état d’âme, Monsieur le Président, lorsque toutes ces grandes personnalités politiques de notre pays, qui se trouvent dans le box des accusés se sont présentées devant vous, dans la discipline la plus absolue. J’espère bien que cette scène vous suffit de leçon.
Monsieur le Président, je prie Dieu, le Miséricordieux, l’Omniscient, l’Omnipotent, l’Omniprésent de vous accompagner en vous préservant de la tentation et en vous armant de clairvoyance, de courage et de sérénité.
Monsieur le Juge, jugez bien car le dernier jugement appartient à Dieu !
Mamadou Billo Bah, Responsable des Antennes, Mobilisation et Actions du FNDC