La France a annocé l’évacuation de ses citoyens et d’autres Européens du Niger mardi, six jours après un coup d’État qui a renversé l’un des derniers dirigeants pro-occidentaux du Sahel en proie aux djihadistes et attisé les manifestations anti-françaises.
Après que des foules hostiles se sont rassemblées dimanche devant l’ambassade de France et que le Niger a accusé la France de comploter pour intervenir militairement, Paris a annoncé mardi qu’il retirerait ses citoyens et a proposé d’évacuer également d’autres Européens.
« Face à une situation sécuritaire dégradée à Niamey et profitant du calme relatif à Niamey, une opération d’évacuation par voie aérienne est en préparation », a indiqué l’ambassade dans un message adressé aux citoyens français.
Le président Mohamed Bazoum a été renversé le 26 juillet par sa propre garde, lors du troisième putsch de la région en autant d’années après les prises de pouvoir au Mali et au Burkina Faso voisins.
« On n’a pas de problème avec les Français »
« On n’a pas de problème avec les Français, les ressortissants européens, on a des problèmes avec les gouvernements européens, s’ils ont dit ils vont rapatrier leur population, ils n’ont qu’à rapatrier leur armée d’abord. »Précise Hamidou Ali, habitant de Niamey.
Les évacuations « auront lieu très prochainement dans un laps de temps très limité », a-t-il précisé.
Un premier avion a ensuite décollé de Paris, a précisé une source en France impliquée dans l’opération. Une autre source a déclaré que la France utiliserait des transporteurs militaires non armés, capables de transporter plus de 200 personnes.
Le ministère français des Affaires étrangères a déclaré qu’il y avait environ 600 ressortissants français au Niger, mais n’a pas donné de détails sur le nombre de personnes souhaitant partir.
A Rome, le gouvernement italien a déclaré qu’il organisait un « vol spécial pour ceux (Italiens) qui veulent quitter le pays », ajoutant qu’il ne s’agissait « pas d’une évacuation ». Environ 90 ressortissants italiens se trouvaient à Niamey, sur près de 500 à travers le pays, a-t-il précisé.
Le bloc ouest-africain de la CEDEAO a imposé dimanche des sanctions au Niger et l’a averti qu’il pourrait utiliser la force car il a donné aux putschistes une semaine pour réintégrer Bazoum.
Le lendemain, la junte a accusé la France de chercher à « intervenir militairement », une accusation qui a suscité un démenti français, tandis que le Mali et le Burkina Faso, dirigés par la junte, ont averti que toute intervention militaire au Niger serait une « déclaration de guerre » contre eux.
Instable
Les événements se déroulent dans l’un des pays les plus pauvres et les plus instables du monde, une vaste nation semi-désertique qui avait déjà connu quatre coups d’État depuis son indépendance en 1960.
Bazoum a été célébré en 2021 après avoir remporté les élections qui ont inauguré la toute première transition pacifique du pouvoir au Niger.
Mais son mandat a déjà été marqué par deux tentatives de coup d’État avant les événements dramatiques de la semaine dernière, au cours desquels il a été détenu à sa résidence officielle par des membres de sa garde présidentielle d’élite.
Le chef des gardes, le général Abdourahamane Tiani, s’est déclaré chef – mais sa demande a été rejetée au niveau international, de la CEDEAO, de l’Union africaine et de l’ONU à la France, aux États-Unis et à l’Union européenne.
Bazoum a été vu sur une photo dimanche assis aux côtés du dirigeant tchadien, le général Mahamat Idriss Deby Itno, un autre dirigeant pro-occidental, qui a été envoyé à Niamey par la CEDEAO.
Selon le parti PNDS de Bazoum, la junte a arrêté les ministres du pétrole, des mines, de l’intérieur et des transports du pays, le chef du comité exécutif du PNDS et un ancien ministre de la défense.
Alarme
Le coup d’État a déclenché des sonnettes d’alarme dans les pays occidentaux qui luttent pour contenir une insurrection djihadiste qui a éclaté dans le nord du Mali en 2012, a avancé au Niger et au Burkina Faso trois ans plus tard et menace désormais les frontières des États fragiles du golfe de Guinée.
Un nombre indéterminé de civils, de soldats et de policiers ont été tués dans la région, dont beaucoup dans des massacres impitoyables, tandis qu’environ 2,2 millions de personnes au Burkina Faso ont fui leur foyer. Les dommages économiques subis par trois des pays les plus pauvres du monde ont été dévastateurs.
La France comptait à un moment donné environ 5 400 soldats dans sa mission anti-jihadiste Barkhane à travers le Sahel, soutenus par des avions de combat, des hélicoptères et des drones.
Mais cette mission a dû être radicalement recentrée sur le Niger l’année dernière, lorsque la France s’est retirée du Mali et du Burkina Faso après s’être brouillées avec leurs juntes.
Aujourd’hui, la force française reconfigurée compte environ 1 500 hommes, dont beaucoup sont déployés sur une importante base aérienne près de Niamey, tandis que les États-Unis, qui disposent également d’une importante base aérienne au Niger, comptent environ 1 100 hommes.
Manifestations pro-russes
Dans les trois pays du Sahel, les militaires mécontents sont intervenus contre les présidents élus alors que le bilan des attaques djihadistes s’alourdissait.
Les prises de contrôle se sont accompagnées d’une rhétorique nationaliste et de manifestations stridentes anti-françaises et pro-russes.
Le Mali en particulier a noué des liens étroits avec Moscou, faisant venir du matériel militaire russe et des paramilitaires que les nations occidentales qualifient de mercenaires wagnériens.
Les partisans de la junte disent que la France n’a pas réussi à les protéger des djihadistes, alors que la Russie serait plus forte.
AFP