CONAKRY-Le recrutement sur concours, de « cent (100) auditeurs de Justice, futurs magistrats et de cent (100) élèves greffiers, futurs greffiers », initié par le ministère de la Justice, Garde des Sceaux et des Droits de l’Homme ne se passe pas dans les règles de l’art.
Pourtant, l’ordonnance du président de la transition a bien fixé les règles pour avoir le droit de participer à ce concours. Mais en Guinée, les vieilles habitudes tordues ont la carapace dure. Ces règles édictées par le Chef de l’Etat ont été piétinées à certains endroits. L’ordonnance 006 prise par le Colonel Mamadi Doumbouya et ratifiée par le Conseil National de la transition précise « ne peut être candidat au recrutement » que les gens ayant rempli les critères suivants :
Être de nationalité guinéenne
Être âgé de trente-cinq ans au plus,
Jouir de ses droits civils et civiques et être de bonne moralité ;
Être titulaire au moins d'un master (M2) en droit ;
Être reconnu médicalement apte ;
Être admis au concours d'accès à la formation de magistral.
L’appel à candidature lancé en début octobre par le Garde des Sceaux en vue du recrutement sur concours, « de cent (100) auditeurs de Justice, futurs magistrats et de cent (100) élèves greffiers, futurs greffiers », s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre du programme de réforme du secteur de la Justice en Guinée. Toutefois, selon plusieurs sources anonymes qui se sont confiées à votre quotidien en ligne, les règles édictées ci-dessus sont foulées au sol. Ils pointent un doigt accusateur sur les organisateurs dudit concours.
« La première irrégularité est liée aux diplômes. Le président a pris une ordonnance pour fixer les critères d’éligibilité des candidats. Dans cette ordonnance qui a modifié le statut de la magistrature, il y a eu modification des conditions pour accéder à la magistrature. Il est clairement dit qu’il faut le master 2 au moins. Cette ordonnance déjà ratifiée en vigueur a valeur de loi en vertu de sa ratification. Alors, en violation de cette loi, il y a des gens qui ont la Maitrise, le Master 1 ou encore de simples attestations qui sont admis selon la liste provisoire qui a été affichée », explique notre source.
La deuxième violation, dans la loi initiale sur la magistrature tout comme dans le décret de modification, il est clairement indiqué qu’il faut être âgé de Trente-cinq ans au plus. Cette limite d’âge aurait été violée.
« Sur la liste où il y a plus de 900 personnes inscrites, vous verrez des personnes très âgés qui se sont débrouillées, je ne sais de par quel miracle pour se faire inscrire sur la liste et de manière provisoire. Elles sont acceptées. Ce qui constitue la deuxième violation. Il y a même des gens de la promotion de Charles Wright (actuel ministre de la justice, ndlr) qui sont sur cette liste. Il y a deux chefs de départements de l’université Sonfonia qui sont sur la liste et qui ont dépassé les 35 ans », a révélé notre source.
Une autre source ajoute : « Il y a des gens qui ont fait droit à Gamal, ils ont plus de 40 ans, d’autres 50 ans. Certains ont même donné des cours de droit à certains magistrats qui ont plus de cinq ans dans la magistrature, ces gens ont fait plus 15 ans dans l’enseignement », révèle notre informateur.
L’ordonnance a modifié certaines dispositions pour être magistrat. Cependant, le ministre de la justice, dans son communiqué a dit le Master ou diplôme alors que cela n’était pas prévu par la loi, nous précise-t-on.
« Le premier communiqué du ministre est en soi contraire à la loi. En plus, le ministre a pris un communiqué dans lequel il a dit l’attestation d’inscription au Master. C’est-à-dire : vous vous inscrivez en 1ère année et on vous donne une attestation d’inscription pour dire que vous êtes inscrits au Master 1 alors que vous n’avez même pas fini le Master 1. Ce qui veut dire que vous n’avez pas les quatre années post-bac. Si on dit que ceux qui ont l’équivalent de Master 1 et qui doivent faire le Master 2 ont la Maitrise, cela veut dire au moins que vous avez fini le Master 1 et qu’on vous donne l’attestation de réussite de Master 1. Mais si dès que vous venez vous inscrire au Master sans l’avoir validé, le ministre dit que cette attestation ne vous permet pas de compétir pour les auditeurs de justice. C’est clairement dit dans le communiqué.
Mais je connais pleins de personnes qui sont présentement dans des universités qui sont simplement au Master 1 qui n’ont même pas validé mais dont on estime que leurs diplômes sont conformes. Donc, ils vont avoir le concours de la magistrature même avec la maitrise. C’est-à-dire que c’est des gens qui n’ont que la licence. Tout ceci est juste une façon de pousser les gens à la médiocrité », dénonce notre source.
L’autre irrégularité qu’on nous a signalé, c’est par rapport aux gens qui sont déjà Greffiers. Selon nos informations, il y aurait des personnes qui ont eu le concours pour devenir des greffiers, ils ont ce statut. Malgré ce statut, ils abandonnent pour tenter de participer au concours de la magistrature alors qu’ils ont un engagement de dix ans de service envers l’Etat.
« Lorsque vous devenez greffier, vous prenez un engagement de dix ans, parce que leur recrutement coûte cher, l’Etat injecte de l’argent pour leur formation, pour rendre service à l’Etat pendant dix ans. Mais ce que les gens sont en train de faire : ils ont ce statut, ils partent faire master pour avoir le diplôme requis et venir compétir également pour changer de statut. Ils sont donc recrutés deux fois, l’Etat va débourser deux fois pour leur formation alors qu’on veut rajeunir la justice et il y a manque de personnel au niveau de la justice.
Ils viennent donc participer au concours alors qu’ils ont un engagement de dix ans, ils viennent encore compétir pour tenter de devenir magistrat. Non seulement ils violent leur serment alors qu’ils ont un statut, mais aussi ils viennent prendre la place des jeunes en quête de leur premier emploi. Dans cette situation, ce qui risque d’y arriver, ces greffiers qui tentent de participer à ce concours pour devenir vont créer un manque à gagner au niveau de leur fonction. Si ça continue, on risque de ne pas avoir des greffes », s’inquiète notre interlocuteur.
Joint par Africaguinee.com pour en savoir davantage sur ces irrégularités, le directeur de centre de formation judiciaire, Alhassane Naby Camara a déclaré qu’il n’est pas membre de la commission d’organisation de cette activité. La secrétaire générale du ministère de la justice, garde des sceaux et des droits de l’homme, Irène Marie Hadjimalis a toutefois indiqué que l’organisation de ce concours de recrutement a été confiée au centre de formation judiciaire. Bref un jeu de ping-pong qui ne dit pas son nom.
Mais ce qu’il faut préciser, la magouille a commencé depuis. En témoigne la note (voir copie en bas de l’article) du ministre Charles Wright datant du 18 octobre 2022, dans laquelle il avait admis qu’effectivement plusieurs dossiers suspects avaient été déposés au centre de formation judiciaire (CFJ). Le Garde des sceaux avaient mis en garde contre toute velléités de fraude. Manifestement cela n’a pas suffi.
Guineesouverain avec africaguinee