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Sénégal : après les violences pro-Sonko, Macky Sall temporise

Le président sénégalais Macky Sall se donne jusqu’à fin juin pour apporter des réponses à la crise en cours à huit mois de la présidentielle, alors qu’il est pressé de toutes parts de dissiper de pesantes incertitudes après des violences meurtrières.

Les questions abondent une semaine après l’éruption qui a fait au moins 16 morts, à commencer par celles sur la candidature ou non du président à sa réélection en 2024, sur le nom de ceux qui seront autorisés à concourir et même sur le respect du calendrier.

Les évènements survenus du 1er au 3 juin, le coup d’arrêt porté à l’économie et l’écornure faite à l’image de stabilité du pays ont causé un choc. L’inquiétude est répandue d’un nouvel embrasement dont bien des conditions restent réunies, dans un contexte économique et social tendu.

Le président a attendu mercredi pour sortir du silence devant le conseil des ministres. Il a délivré un message de fermeté, parlant de « violence sans précédent », dont « l’objectif était sans aucun doute de semer la terreur et de mettre à l’arrêt notre pays », a rapporté la présidence.

Il a exprimé sa « détermination à protéger la Nation ». Il a tu l’élément déclencheur qu’a été la condamnation de l’opposant Ousmane Sonko le 1er juin à deux ans de prison ferme dans une affaire de moeurs.

En l’état actuel, M. Sonko, personnalité populaire dans la jeunesse et les milieux défavorisés, ne peut plus se présenter à la présidentielle. Il crie au complot pour l’éliminer politiquement.

M. Sonko est toujours bloqué chez lui à Dakar, « séquestré par le régime de Macky Sall », a dit à l’AFP le porte-parole de son parti Ousseynou Ly. Il est susceptible d’être arrêté à tout moment selon les autorités, au risque d’un retour de flammes.

Le président n’a rien dit sur ce qu’il devait advenir de lui. Il a gardé le silence devant d’autres interrogations lourdes, comme le sort des opposants Khalifa Sall et Karim Wade.

Eux-mêmes ont été empêchés par des condamnations de se présenter contre lui en 2019. Eux aussi crient à l’instrumentalisation de la justice, et eux aussi sont candidats en 2024, mais toujours inéligibles.

Les analystes s’accordent sur le constat que le flou maintenu par le président sur ses intentions en 2024 constitue un autre facteur de tension. Le non à un troisième mandat est un cri de ralliement de l’opposition.

M. Sall a été élu en 2012, réélu en 2019. Il a fait réviser la Constitution en 2016. Elle stipule que « nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs ». Les partisans de M. Sall le présentent comme leur candidat en 2024, arguant que la révision a remis les compteurs à zéro.

Les appels se multiplient à l’adresse du président, de l’opposition à renoncer à un troisième mandat et à remettre en lice ses opposants disqualifiés, mais aussi des milieux économiques à dissiper la crainte du lendemain.

Les partenaires internationaux suivent attentivement les développements dans un pays communément loué pour sa stabilité et ses pratiques démocratiques. Les défenseurs des droits humains ont sévèrement critiqué la répression des troubles et les restrictions imposées à internet.

M. Sall a lancé le 31 mai un « dialogue national » censé atténuer les crispations. L’initiative a été boycottée par une partie de l’opposition.

Abruptement apostrophé par Khalifa Sall sur un troisième mandat, le président a répondu qu’il n’y avait « pas de tabou » et que la question pouvait faire partie du « dialogue ». Il a ensuite durci le ton : « Dire que je ne serai absolument pas candidat, au nom de quoi ? (Du) simple vouloir  » des fauteurs de troubles ?

M. Sall a dit mercredi attendre les conclusions de ce « dialogue » avant le 25 juin. Ensuite, _ »il s’adressera à la Nation »._Il a rendu lundi soir une visite non annoncée au khalife général des mourides, puissante confrérie religieuse, considérée exercer une influence considérable en politique.

Une nouvelle proposition est depuis versée au débat : M. Sall serait prêt à renoncer à un troisième mandat à condition que son mandat actuel soit prolongé jusqu’en 2026 afin de « remettre de l’ordre dans le pays », a rapporté le quotidien Le Témoin. La présidentielle de 2024 serait reportée. L’idée a aussitôt divisé.

Abdou Rahmane Thiam, professeur de sciences politiques, estime que le président « doit se prononcer clairement » et rapidement. « Cette question (du troisième mandat) est tellement clivante », dit-il en rappelant qu’elle s’était posée en 2011 avec Abdoulaye Wade et que M. Sall s’était alors prononcé contre le troisième mandat.

Quant à une prolongation de deux ans de la présidence actuelle, cela « ne peut être qu’un ballon d’essai, cela ne peut pas être une solution », dit-il.

AFP

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