Réunis à Dar es Salam, en Tanzanie, ce samedi 8 février 2025, les chefs d’états d’Afrique de l’Est et d’Afrique australe ont appelé à un cessez-le-feu immédiat dans l’est du Congo, où sévit le M23.
Alors que le M23, soutenu par le Rwanda, menace de renverser le gouvernement congolais, les chefs d’états d’Afrique de l’Est et d’Afrique australe se sont réunis à l’occasion d’un sommet dédié. Ils exhortent le président congolais à négocier directement avec les rebelles.
Le président congolais Felix Tshisekedi, qui a assisté au sommet par vidéoconférence, a déjà affirmé qu’il ne discuterait jamais avec les rebelles du M23. Il considère que ces derniers sont motivés par l’exploitation des vastes richesses minières de son pays.
Un communiqué publié à l’issue des pourparlers a exhorté à la reprise des “négociations directes et du dialogue avec toutes les parties étatiques et non étatiques”, y compris le M23. Les rebelles se sont emparés de Goma, la plus grande ville de l’est du Congo, à la suite de combats qui ont fait près de 3 000 morts et des centaines de milliers de déplacés, selon les Nations unies.
Ce sommet conjoint sans précédent a réuni les dirigeants de la Communauté de l’Afrique de l’Est, dont le Rwanda et le Congo sont membres, et ceux de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), qui regroupe des pays allant du Congo à l’Afrique du Sud.
L’Afrique du Sud provoque la colère des Rwandais
Le président rwandais Paul Kagame a participé au sommet avec son homologue sud-africain Cyril Ramaphosa. Ce dernier a provoqué la colère des Rwandais en déployant des troupes sud-africaines dans l’est du Congo sous la bannière de la SADC pour lutter contre le M23.
Le Rwanda accuse le déploiement des soldats de la paix de la SADC d’avoir aggravé le conflit au Nord-Kivu, une province de l’est du Congo riche en minerais et désormais contrôlée par le M23. M. Kagame insiste sur le fait que les troupes de la SADC ne sont pas des soldats de la paix puisqu’elles se battent aux côtés des forces congolaises pour vaincre les rebelles.
Les rebelles sont soutenus par quelque 4 000 soldats du Rwanda voisin, selon les experts de l’ONU, tandis que les forces gouvernementales congolaises sont appuyées par des forces de maintien de la paix régionales, des forces de l’ONU, des milices alliées et des troupes du Burundi voisin. Elles s’efforcent actuellement d’empêcher les rebelles de s’emparer de Bukavu, la capitale de la province du Sud-Kivu.
“Le dialogue n’est pas un signe de faiblesse”
La rébellion du M23 découle en partie de l’inquiétude du Rwanda, qui se préoccupe depuis des décennies du fait que les rebelles opposés au gouvernement de Kagame ont été autorisés par l’armée congolaise à être actifs dans des régions de l’est du Congo où règne une grande anarchie. Kagame accuse également Tshisekedi d’avoir négligé les préoccupations légitimes des Tutsis congolais qui sont victimes de discrimination.
Le président kenyan William Ruto a déclaré lors du sommet que “la vie de millions de personnes dépend de notre capacité à naviguer dans cette situation complexe et difficile avec sagesse, clarté d’esprit et empathie”.
Le dialogue “n’est pas un signe de faiblesse”, a déclaré M. Ruto, qui préside actuellement la Communauté d’Afrique de l’Est. “C’est dans cet esprit que nous devons encourager toutes les parties à mettre de côté leurs différences et à se mobiliser pour s’engager dans un dialogue constructif”.
L’avancée du M23 fait écho à la précédente prise de Goma par les rebelles, il y a plus de dix ans, et a fait voler en éclats le cessez-le-feu conclu en 2024 entre le Rwanda et le Congo, sous l’égide de l’Angola.
Certains analystes régionaux craignent que la dernière offensive des rebelles soit plus puissante parce qu’ils lient leur combat à une agitation plus large pour une meilleure gouvernance et ont promis d’aller jusqu’à la capitale, Kinshasa, à 1 600 kilomètres à l’ouest de Goma.
Les rebelles subissent des pressions pour se retirer de Goma
L’Alliance du fleuve Congo, une coalition de groupes rebelles comprenant le M23, a déclaré dans une lettre ouverte au sommet qu’elle se battait contre un régime congolais qui “bafouait les normes républicaines” et “devenait un danger épouvantable pour le peuple congolais”.
“Ceux qui luttent contre M. Tshisekedi sont en effet des fils du pays, des ressortissants de toutes les provinces. Notre révolution étant nationale, elle englobe les personnes de toutes les origines ethniques et communautaires, y compris les citoyens congolais qui parlent la langue kinyarwanda”.
La lettre, signée par Corneille Nangaa, un dirigeant de l’alliance rebelle, indique que le groupe est “ouvert à un dialogue direct” avec le gouvernement congolais. Mais les rebelles et leurs alliés subissent également des pressions pour se retirer de Goma.
Outre la réouverture immédiate de l’aéroport de Goma, le sommet de Dar el Salaam a également appelé à l’élaboration de “modalités de retrait des groupes armés étrangers non invités” du territoire congolais.
Une réunion vendredi en Guinée équatoriale d’un autre bloc régional, la Communauté économique des États de l’Afrique centrale, a également demandé le retrait immédiat des troupes rwandaises du Congo ainsi que la réouverture de l’aéroport pour faciliter l’accès à l’aide humanitaire. AFP