En Tunisie, les rues de la capitale ont été le théâtre de manifestations vendredi, à seulement deux jours de l’élection présidentielle. Ce scrutin, largement perçu comme joué d’avance, devrait voir la réélection du président sortant Kais Saied, qui a écarté ou emprisonné bon nombre de ses opposants.
Les manifestants, principalement des jeunes, ont exprimé leur refus de participer à cette élection, dénonçant un processus dénué de garanties démocratiques.
Parmi eux, Siwar Gmati, une militante de 27 ans impliquée dans une organisation tunisienne de surveillance électorale, a fermement exprimé son rejet du vote : « Non, absolument non, je ne voterai pas », a-t-elle déclaré. Elle a justifié sa décision en pointant l’absence de candidats crédibles, ainsi que les irrégularités du processus électoral, ne laissant « aucune garantie pour une élection transparente et libre ».
Un boycott soutenu par l’opposition
Les partis d’opposition, dénonçant les actions controversées de l’autorité électorale nommée par M. Saied, ont appelé à un boycott du scrutin. Ces décisions incluent, entre autres, l’arrestation de plusieurs candidats, accentuant le climat de méfiance à l’égard de l’élection.
Kais Saied, élu en 2019 en tant qu’outsider politique, avait alors promis d’inaugurer une « nouvelle Tunisie », en donnant plus de pouvoir aux jeunes et aux gouvernements locaux. Toutefois, ses actions depuis son accession au pouvoir, notamment la réécriture de la constitution pour consolider son autorité, ont suscité de vives critiques, tant au niveau national qu’international. Les autorités tunisiennes ont également procédé à l’arrestation de journalistes, d’avocats, de militants et de membres de la société civile, renforçant la perception d’un recul des libertés dans le pays.
Une démocratie en perte de vitesse
L’élection présidentielle de ce dimanche sera la troisième depuis la révolution de 2011, qui avait conduit à la chute de Zine El Abidine Ben Ali lors du printemps arabe. Ce scrutin est vu comme un test de la trajectoire prise par la démocratie tunisienne, qui semble s’éloigner de ses idéaux initiaux sous la présidence de Kais Saied.
Présent lors de la manifestation, Hamma Hammami, porte-parole du Parti des travailleurs de Tunisie, s’est réjoui du refus des jeunes de se soumettre à ce qu’il considère comme un retour à un État autoritaire. « Je suis très heureux de les entendre aujourd’hui dire non à un nouvel État policier », a-t-il déclaré.
Un contexte socio-économique difficile
Au-delà des critiques concernant le processus électoral, les jeunes manifestants tunisiens sont également confrontés à des difficultés économiques croissantes. Le taux de chômage, qui s’élève à 16 %, figure parmi les plus élevés de la région, touchant particulièrement cette tranche de la population.
Alors que le pays s’apprête à se rendre aux urnes, le climat de désillusion et de frustration semble dominer, en particulier chez les jeunes Tunisiens, dont les espoirs d’une démocratie plus inclusive et d’un avenir meilleur se sont estompés au fil des ans. AFP