Le ministère américain de la Justice a mis en examen mardi le fondateur et trois membres d’un groupe nationaliste afro-américain, accusés d’avoir collaboré avec les services de renseignement russes en vue d’influencer les élections aux Etats-Unis.
Omali Yeshitela, fondateur de l’African People’s Socialist Party (APSP) et du Uhuru Movement, et trois autres membres du parti, Penny Joanne Hess, Jesse Nevel et Augustus Romain, sont soupçonnés d’avoir servi comme agents au service de la Russie et conspiré contre les intérêts américains, notamment en tentant d’influencer plusieurs élections.
Ils risquent jusqu’à dix ans de prison.
Selon l’accusation, les quatre prévenus ont reçu de l’argent et du soutien de la part d’Alexander Ionov, un citoyen russe qui opérait sous couverture et se présentait comme le leader d’un mouvement antimondialisation, ainsi que de la part d’espions du FSB, les services secrets russes.
« L’annonce d’aujourd’hui dresse un tableau alarmant des actions du gouvernement russe et des limites que le FSB est prêt à franchir pour interférer avec nos élections, semer la discorde dans notre pays et, en fin de compte, recruter des citoyens américains pour les aider dans leurs efforts », a dénoncé Kurt Ronnow, directeur adjoint par intérim du FBI.
Selon la justice américaine, les prévenus savaient tous que M. Ionov, que l’on soupçonne d’avoir désormais fui en Russie, travaillait pour Moscou. « Le service de renseignement étranger de la Russie aurait utilisé les droits du premier amendement – des libertés que la Russie refuse à ses propres citoyens – pour diviser les Américains et interférer dans les élections aux États-Unis », a déclaré le procureur général adjoint Matthew Olsen, de la division de la sécurité nationale du ministère de la Justice.
« Le ministère n’hésitera pas à dénoncer et à poursuivre ceux qui sèment la discorde et corrompent les élections américaines au service d’intérêts étrangers hostiles, que les coupables soient des citoyens américains ou des étrangers à l’étranger », a déclaré M. Olsen dans un communiqué de presse.
Le mouvement nationaliste noir, associé aux noms de Malcolm X ou des Black Panther, a pris de l’ampleur aux Etats-Unis au milieu du XXe siècle, et revendique une logique de confrontation avec les autorités pour défendre les intérêts des Afro-Américains.
Fondé en 1972, l’APSP défend « la classe ouvrière africaine » contre « la domination capitaliste et colonialiste américaine », selon son site internet.
M. Yeshitela, son fondateur, s’est rendu en Russie en 2015 pour passer un accord avec le mouvement de M. Ionov, selon l’accusation. En 2016, celui-ci a financé une tournée de manifestations organisées par l’APSP pour soutenir une « pétition sur le crime de génocide contre le peuple africain aux Etats-Unis ».
Au-delà de cette opération de déstabilisation, les prévenus ont également tenté d’influencer en 2017 et 2019 les élections locales à Saint Petersburg, en Floride, où est basé leur parti. Ils sont également soupçonnés d’avoir cherché à influencer les élections nationales de 2020.
Le groupe Uhuru a eu une candidate qui s’est présentée sans succès au conseil municipal de Saint-Pétersbourg en 2019, Eritha Akile Cainion, qui n’est pas inculpée dans l’acte d’accusation. Elle a tenu une conférence de presse en 2022 au cours de laquelle elle a défendu la Russie, affirmant que « les puissances coloniales mondiales collaborent contre la Russie » depuis plus d’un siècle.
Le maire de Saint-Pétersbourg, le démocrate Ken Welch, a qualifié ces allégations de troublantes. « Il est important de souligner que la ville de Saint-Pétersbourg ne soutient, n’approuve ni ne tolère aucun gouvernement étranger s’engageant dans des activités visant à saper ou à influencer nos élections », a déclaré M. Welch dans un communiqué.
En mars 2022, M.Yeshitela a tenu une conférence de presse au cours de laquelle il a déclaré que le « Parti socialiste populaire africain appelle à l’unité avec la Russie dans sa guerre défensive en Ukraine contre les puissances coloniales mondiales ». Il a également appelé à l’indépendance de la région de Donetsk, occupée par la Russie, dans l’est de l’Ukraine.
En 2022, l’un des prévenus, Augustus Romain, aurait également reçu des fonds de M. Ionov « pour promouvoir les intérêts de la Russie en relation avec l’invasion russe de l’Ukraine », selon l’accusation.
AFP