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Wagner en Afrique : un avenir florissant mais sous quelle forme ?

Wagner peut-elle survivre en Afrique sans son chef Evguéni Prigojine et après la récente mutinerie de ses hommes en Russie ? Si l’avenir de la société paramilitaire russe est en suspens, sa disparition semble inconcevable.

Un mois après la brève marche sur Moscou de ses hommes, puis l’exil déclaré de son chef charismatique au Bélarus, le poids économique et géopolitique sur le continent de la plus célèbre des sociétés militaires privées (SMP) semble la prémunir d’être rayée de la carte.

La semaine passée, dans une vidéo publiée par des comptes Telegram se revendiquant proches de Wagner, mais que l’AFP n’a pas pu authentifier, Prigojine demandait à ses troupes de se préparer pour « un nouveau voyage en Afrique ».

Avant le sommet Russie-Afrique, photographie de son rôle sur le continent.

Formations militaires

Wagner offre un catalogue de services aux régimes en difficulté. Au Mali, en Centrafrique, il protège le pouvoir en place, propose des formations militaires, voire des conseils juridiques pour réécrire le code minier ou la Constitution.

En échange, le groupe pratique la prédation et se paye sur les ressources locales, notamment mines d’or et autres minerais.Au Soudan, Wagner fait florès dans le business illégal de l’or et reste proche des Forces de soutien rapide (FRS) de Mohammed Hamdane Daglo.

En Libye, fidèles au général Khalifa Haftar, homme fort de l’Est du pays, « ils sont quelques centaines aujourd’hui pour assurer la sécurité des bases militaires et des infrastructures liées au pétrole », assure à l’AFP Pauline Bax, directrice adjointe du programme Afrique à l’International Crisis Group.

Organisation transnationale

Là et ailleurs, le groupe est accusé de manipuler les opinions, saper la réputation des Occidentaux et peser sur les processus électoraux. Sa méthode, sur le plan militaire, est brutale et fait peu de cas des droits de l’Homme comme de la distinction entre civils et militaires, accuse l’Occident.

Les Etats-Unis ont sanctionné Prigojine et classé son groupe en janvier comme une organisation criminelle transnationale. Un expert indépendant des Nations unies a accusé l’armée et ses alliés russes d’exactions en Centrafrique. L’Union européenne a annoncé de nouvelles sanctions contre plusieurs responsables de Wagner dans le pays.

Jeudi, le Royaume-Uni a imposé des sanctions contre 13 personnalités et entreprises accusées d’être impliquées dans des exactions de Wagner, dont « des exécutions et des actes de torture au Mali et en République centrafricaine ainsi que des menaces à la paix et à la sécurité au Soudan ».

La sortie du bois

Créé au début des années 2010, Wagner échappe d’abord à toute forme de légalité. Le groupe devient ensuite le bras armé officieux des ambitions russes en Afrique, tout en permettant à Moscou de nier toute responsabilité dans ses opérations.

« Wagner n’est ni une succursale de l’armée ni une entité privée à part entière. Elle sert les intérêts officiels de Moscou mais répond aussi aux ambitions personnelles de Prigojine. La ligne est ténue », notait à l’AFP avant la mutinerie Maxime Audinet, chercheur à l’Institut de recherche de l’école militaire, (IRSEM) à Paris.

« Jamais un acteur non-officiel n’avait pris une telle importance dans l’action internationale de la Russie ».

Mutinerie

Après la mutinerie de Wagner, le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a assuré que son avenir africain dépendrait des seuls « pays concernés ».

Mais les liens entre le Kremlin et Wagner devront être repensés. Or, partout où elle s’installe, la SMP se fait livrer hommes et matériels par l’armée russe. « Le modèle de Wagner est autofinancé, au moins pour payer les hommes, mais il lui faut l’appui et la logistique du ministère de la Défense », rappelle Pauline Bax.

Loyauté

Le groupe sera-t-il dirigé par une figure plus loyale à Moscou ? Devra-t-il changer de nom, voire céder sa place à une autre SMP russe ?

Aditya Pareek, experte pour la société privée de renseignement britannique Janes, juge « peu probable » que Wagner reste pleinement aux ordres de la Russie. Les deux pourraient occasionnellement entrer en compétition « dans des pays où Moscou ne jouit pas encore d’une forte présence », voire tisser des « alliances temporaires ».

Dans tous les cas de figure, ses principes devraient prospérer.

Modèle qui fonctionne

« Wagner a introduit un modèle qui a l’air de fonctionner pour au moins deux Etats » (Mali et Centrafrique), constate Pauline Bax. « Même si Wagner arrête d’exister, d’autres sociétés chercheront à exploiter ce vide ».

Les régimes africains ont, depuis des décennies, eu volontiers recours à des mercenaires, notamment pour compenser la faiblesse de leurs forces armées.

« L’ambigu jargon juridique international définissant ce qu’est ou n’est pas un mercenaire (…) fait de l’Afrique une destination des plus attractives pour faire des affaires sans trop de morale », estime la chercheure Amanda Brooke Kadlec sur le site New Lines Magazine.

« Si le groupe Wagner ou d’autres compétiteurs russes sont perçus comme incompétents ou non fiables à cause du chaos (en Russie), il y a beaucoup d’autres options ».

AFP

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